Label: Bedroom Community
Date de sortie: Septembre 2012
Genre: Post-classical / Expérimental
La rentrée des classes ainsi que le début de l’automne et sa pluie maussade provoquent en moi un spleen qui s’amoncèle chaque année, semblable à une couche de poussière invisible me recouvrant inlassablement , et paradoxalement, presque agréablement. Me voilà blotti dans ma bulle pour le reste de l’année en attendant le retour du soleil libérateur. Tandis que l’œil se trouble, l’oreille n’est jamais mis autant à contribution que maintenant : pour venir me rejoindre dans cet univers de délices acerbes, vous lecteur, n’avez simplement qu’a écouter le récent album de Valgeir Sigurðsson : Architecture of Loss qui déclenchera alors en vous un état d’apathie identique au mien.
Islande, terre jadis dirigé par la nature ; la mondialisation et le « progrès » n’ont cependant pas pu l’épargner, dévastant une bonne partie du paysage. Aujourd’hui elle n’est plus que l’ombre d’elle-même même si la beauté de certain lieux restera (je l’espère) à jamais immaculé. Le compositeur islandais s’est largement inspiré de ce thème à travers ces précédents albums comme Draumalandið, sorti en 2010 sur Bedroom Community tout comme ce dernier opus d’une profondeur glaciale. C’est aussi quelques semaines après la sortie d’Outliers, Vol. I: Iceland, œuvre marquante, faisant l’apologie de la pureté des paysages islandais et appuyé par des maestro de l’ambiant comme Eskmo, Sakamoto,ou encore Loscil ; que sort Architecture of Loss, monument dédié à l’ancienne gloire nordique et sa récente déchéance. J’appuyais alors sur naïvement sur play, ne sachant alors en rien, de ce qui allait se passer.
Guard Down ouvre l’album avec un black noise, des plus glaçant, très lisse, presque mystique. Les crins du violon entrent progressivement dans la pièce, mais leur cri est encore chevrotant, participant à une ambiance très glauque et expérimentale, digne des plus grands. Je ne peux alors à ce moment m’empêcher déjà de comparer ce morceau à celui de Vieo Abuingo : The Still and Sour Before the Storm, ouvrant lui aussi le magistral Thunder May Have Ruined the Moment . Je m’égare peut-être, mais toujours est-il qu’ Architecture of Loss possède bien des points commun avec ce dernier. Vient ensuite The Clumbring où la musique semble alors s’effondrer devant nos yeux ébahis et impuissants. Valgeir Sigurðsson est loin d’être un amateur dans la composition, après toute ces années de production dans l’ombre de Bjork ou de Feist n’auront pas été vaines : l’écriture néo- voire postclassique est infaillible, la richesse des paysages sonore l’est encore plus : le piano manié par Nico Muhly déroule ces notes frêles tandis que Nadia Sirota, violoniste du groupe, pousse le lyrisme à son paroxysme ; nous voici déjà plongé dans un abîme incommensurable de mélancolie. L’horizon grisaillé laisse par la suite entrevoir un paysage de plus en plus mutant, dès Between Monuments l’influence électronique se fait de plus en plus sentir à travers des fields recordings, des glitchs tumultueux et des affluences « noise » qui participent à créer un parcours expérimental, pas forcément harassant, mais tout du moins tortueux. Big Reveal ainsi que Reverse Erased font parties des nombreuses perles que contient cet album.
Architecture of Loss n’est donc pas un album simple à déchiffrer, et c’est sans doute ce qui fait de lui une des meilleurs sortie du genre cette année. La fusion entre instruments classiques et numériques est dans cette œuvre totalement abouti dans la mesure où l’un parvient à compléter l’autre sans l’estomper. Une escapade qui peut s’avérer sinueuse mais qui vaut assurément le détour.
Raphaël Lenoir
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